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13 février 2013 3 13 /02 /février /2013 04:51

« Le reum de sola » ( gallo/français : le rhume  de soleil)

 

Octobre 1940. Un lundi. La boulangerie Guillard en haut de la Rue de la Gare, est de service. Nous attendons le pain tout chaud. Parmi nous, un soldat allemand, logé tout près. Diplômé en droit de l'Université de Nancy, il parle sans accent, un français parfait. Il éternue, le plus discrètement possible, dans son mouchoir. La mère T. cultivatrice à la retraite, lui dit : " V'zètes comme ma, vous Monsieur, v'savez un reum de sola ! " Il me glisse à l'oreille : " Je croyais connaître le Français ! " Je lui ai répondu : " Rassurez-vous, c'est elle qui l'ignore ". Bardé de diplômes et simple soldat, ce n'était évidemment pas un hitlérien. Il m'avait confié, quelques jours auparavant : " Ce qui me désole, c'est que les Français n'ont pas l'air de réaliser ce qui les attend". Quatre ans après les Français avaient compris.

 

Jean Patin (fils)

 

*********

 

 

Le rentier

 

Mes grands-parents, vers 1900, habitaient une petite maison à l'entrée de l'actuel camping, proche de l'ex école de garçons. Mon père obtint à onze ans son certificat d'études et le directeur proposa de le garder encore une année. Arrive le Jour de l'An 1905. Repas de gala : poulet rôti et œufs à la neige. Mon oncle Victor, dix huit ans, déjà bon ouvrier carrier, toise son frère et dit à ses parents : " Vous avez l'intention d'en faire un rentier ? " Message reçu. En février, l'écolier débuta comme apprenti chez les frères Philippe au Montlouvier. Il y fêta ses douze ans en mars et fut élu, soixante ans plus tard, Président de la Fédération européenne du Granit, mais ne fut jamais rentier. Il s'appelait Jean Patin*.

Jean Patin (fils)

 

 

 

 

*Jean Patin crée la coopérative granitière de l'Avenir en 1921. Jean Patin quitte l'école pour entrer au travail sur un chantier granitier. Jeune militant syndicaliste ouvrier, il est à 28 ans l'un des quinze granitiers qui créent la coopérative granitière de l'Avenir. La confiance de ses camarades le porte aussitôt à la direction de l'entreprise et il n'abandonnera cette responsabilité que 44 ans plus tard. Les débuts de l'Avenir furent difficiles.

Jean Patin fut aussi premier président européen des granitiers. Grand syndicaliste, fondateur de l'amicale laïque locale, conseiller municipal pendant plusieurs années, il s'impliquait aussi dans le sport où il avait fondé l'Usol.

Créateur du ruban des granitiers bretons (épreuve cycliste aujourd'hui appelée tour de Bretagne), il fut aussi président du comité des fêtes et a été à l'initiative de la création d'activités culturelles au Familia (théâtre, cinéma). Il a aussi oeuvré à la construction d'un restaurant ouvrier au Val. Il est décédé en 1971.

 

(Source :  Ouest France - mai 2012)

 


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8 octobre 2012 1 08 /10 /octobre /2012 06:39

 

 

 

 

"Les granitiers ont été obligés avec l’entreprise Todt…

 Les Todt ! Ils faisaient des morceaux pour les ports, tout ça… Il y en a eut longtemps sur le chantier… ils étaient restés !

Ils étaient déclarés là ! Ils travaillaient pour les allemands : ça les empêchait de partir…

 

De toute façon les jeunes qui ne voulaient pas partir ils se camouflaient dans les carrières, ils ne travaillaient même pas mais enfin ils étaient là …"

 

 

Roger

 

 

 

Georges Paris 28 9 2011 016

 

 


 

 

 

 


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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 05:54

 

 

 


 

C'était des modèles, on peut pas dire… ils avaient des connaissances supérieures aux carriers de Louvigné… Et c'était des bons compagnons. Avec… Le Français, tu sais : jaloux de celui qui n'en fait d'trop ! Ils dénigraient ceux qui travaillaient pas… incroyable ! Les Italiens, très bon esprit ! Le Français c'était moyen…

A ce moment là, j'étais à la Beurrière. Les Italiens, ils me dirent : dis donc Jean, on va te mettre au courant… Ils parlaient bien le Français ; beaucoup étaient nés en France, hein. Ils avaient 'té dans l'Cantal longtemps, carriers pis ils étaient montés par là, ils avaient… les Loranzi, il y avait une sacré équipe là… des gars comme ça… Ils me dirent voilà, tu devrais faire comme nous on était obligé de faire dans le Cantal.  Ils dirent là-bas le forgeron était payé sur la fabrication de l'ouvrier. Le salaire de l'ouvrier… il y avait un pourcentage…mais ils m'ont tout donné… Je parlis de ça au Louis R…  Il y a un barème. Je veux y être payé…  Ah, il me dit, il n'y a pas de problème… je te fais confiance…

 

Jean

 

 

 

 


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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 05:16

 

 

 

 

 

 


 

Quand on chargeait de la mosaïque… Tout le monde chargeait : apprentis, tout le monde… Mais après ça a été les semis. (Ah ! J’aimais pas les semis !). Ça durait longtemps pour remplir un semi, alors on pouvait pas à mains nues, c’était pas possible, on a pourtant les mains dures mais on aurait eu le bout des doigts tout arraché…

… Si ça mouillait un peu, vous aviez plus de doigts ! C’était pas la coupure, c’était quand on balançait les morceaux dans le camion, ils nous fritaient sur le bout des doigts ! Et en une journée, ça y est le bout était rouché…

Eh ben ! On faisait des gants avec des chambres à air de bagnoles. On enfilait deux ou trois doigts dedans, on les coupait deux fois, on passait le doigt derrière… Si bien que le doigt, il se retrouvait derrière la bavette de caoutchouc… c’était surtout pour se protéger  le bout des doigts ! Le pouce, lui il faisait pas partie de la bavette, lui : Eh bien un bout de caoutchouc d’enfourné dedans (chambre à air de vélo) autrement quand tu faisais 2 jours, t’aurais eu les mains arrachées, hein !

Ah la saleté de mosaïque*!

 

 

Clément 

 

 

 

 

*Mosaïque : On appelle ainsi un petit pavé de voirie de 10cmx10cm. C'est le pavé Mai 68, d'un poids d'environ 2 kg. Un bon ouvrier en fabriquait 800 à 1000 par jour. Il y avait toujours sur les chantiers des carrières d'imposants tas de mosaïques

 

 


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10 décembre 2011 6 10 /12 /décembre /2011 04:15

 

 

 

 


Eh ben ! C’était la belle vie, parce que maintenant tu travailles pas longtemps mais tu travailles comme un dingue. Tandis que dans ce temps-là les gens prenaient le temps de vivre. Voilà !

Comme y n’a un bonhomme qui me dit : « Tu vois père, avec tout ce que t’as là dans ta cour, ça qu’aura de la valeur que quand tu seras mort ! » Eh ben ! Il me r’montit le moral !

J’rencontre des gens qu’ont des conversations formidables, moi !

 

J’ai été beaucoup en déplacement dans le granit, et «  le désert* », ça nous fait tort. Il aurait mieux fait de mettre : « Louvigné en Bretagne » ou « Louvigné les granits » ! On m’a fait des réflexions : "dis donc ça doit pas être rigolo dans votre coin !"

 

 

 

                                                           Amédée 

 

 

 

* Pour les non-initiés, notre village s'appelle Louvigné-du-Désert et n'est pas dans le Ténéré mais à l'extrême Est de la Bretagne. Un no man's land avant la France (?)

 

 


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9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 05:11

 

 

 

 

 

 

Alors « Le Cardinal »  m’avait fait embaucher là-bas.

Il était dans les bons tailleurs. Il n’avait pas beaucoup d’instruction. Il ne savait peut-être pas lire et écrire non plus, lui. Mais il savait travailler.

Alors il me dit : tu viens tel jour, t’es embauché chez Philippe. Il m’avait expliqué  où il habitait, il dit : « Tu viens me trouver… »

J’arrive là-bas, au « Casse cou », les poules t’taient dans la maison !

 

Fallait trouver soi-disant cent francs pour acheter un mètre: on passe chercher un mètre chez la Véronique (le café du Planty) et les cent francs, ils ont resté là ! Et on n’a pas acheté de mètre !

 

Pierre

 

 

Ces "paroles d'anciens" sont des transcriptions d'entretiens effectués depuis des années en pays de Fougères.

 

 

 


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13 septembre 2011 2 13 /09 /septembre /2011 07:52

 

 

 

A Mellé. On avait miné tout un champ, il y avait des boules partout ! Du superbe gris rouge ! Rouge et très très résistant, très dur. Avoir une boule uniforme, de la même couleur, c’est très difficile à trouver. Et quand tu' n’as une, t’es hyper’content quand tu fais ta coupe !

Pour les cheminées ou pour l’art. Tu vois  toutes les églises… qu’ont été faites en réglé, en gris… ils prenaient le beau gris pour faire le rang réglé et pour faire les sculptures…Le rang réglé : c’est du trente, bien droit ; des joints le plus plein possible : c’était cela dans le temps, les joints étaient aussi respectés que la face parce qu’ils n’avaient pas de ciment.

 

André

 

 

 

 


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26 août 2011 5 26 /08 /août /2011 04:59

 

 

 

 

Un accident:

 

 A Mellé,  en rayant un bloc… en remontant… je rayais comme je savais que la feuille était là. Ça évitait s’il y avait un biais dans le bout que le bloc il dévie, quoi ! et que la bordure elle ne soit pas bien droite. Alors… sous la lunette : il a tapé dedans, un truc hyper brûlant, une étoile de deux millimètres…m’a perforé l’œil. mais comme je regardais bien en bas, ça a protégé le milieu de l’œil ; ça a passé dans le blanc de l’œil et ça a été se coller dans le…

Un morceau de ciseau à rayer qui aurait dû être trempé à l’huile et qui avait dû être trempé à l’eau et puis moi j’ai mélangé mes outils. C’est une erreur de manipulation. Mais on aurait dû le voir qu’il était trempé… à la trempe c’était pas pareil ! Mais il était retombé au maximum de la trempe : tu le mets en haut, c’est comme du verre ! J’aurais réussi à aller tout doucement, tout doucement j’aurais détrempé l’outil, quoi : deux trois rayures, quatre cinq rayures et puis après elle est usée, elle perd un millimètre. Mais tout frais comme ça… !

 

 

André

 

 

 

 

 

      

Un dimanche ordinaire:

 

Les artisans allaient forger le dimanche matin.

-        Quand on était artisan, on était artisan 7 jours sur 7 : le père allait visiter les carrières le dimanche avec ma mère. Il allait voir la carrière à untel… et c’était pas du voyeurisme !

-        … c’était : « Ah ! tiens il a fait ça… c’est bien pris. Oh ben, moi j’ferais pareil ! » pour faire toujours mieux ! « Il a de la veine, il a des beaux blocs ! »

-        « Je me souviens : si untel était là, c’tait bien content, on discutait un p’tit peu »

-        … «  un grand bloc comme ça, comment que c’est que tu le prendrais ? » et il y avait débat ! Et après c’était l’animation de la région. On en parlait…

 

André et Serge

 

 

 

 

 

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15 mai 2011 7 15 /05 /mai /2011 06:45

 

 

     


 

…(de St James) les morceaux ont été faits par une entreprise de Louvigné – je ne sais pas laquelle, ça doit être l’Avenir – eh ben ! les Ricains, ils avaient vu le granit, et alors : C’était le bleu qu’avait remporté mais… SANS AUCUN NŒUD !*

Alors, ils avaient amené un client là-dedans, de chez eux forcément ! Pour surveiller le chantier et, on lui avait fait voir le granit : on lui avait dit faut pas de ça ! (les nœuds) Le gars, il n’avait que ça à surveiller pendant tout le chantier ! (rire) Eh

Ben ! Allez la voir : Moi, j’ai cherché… il y en a pas ! Et c’est tout piqueté, c’est pas bouchardé, c’est de toute beauté !

 

·        "Le nœud" est une trace naturelle d'un noir un peu grisâtre mais très dure que l'on trouve systématiquement dans le granit et qui, à mon sens, en fait le charme. Note S.P.

 

Clément

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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 06:47

 

 

 

 

Mon père avait dit à Jean Patin que… « C’est pas bien que les apprentis et les p’tits jeunes ne savent pas toiser leurs morceaux… » Et donc c’est lui qui a commencé dans une classe de l’ancienne école de garçons à donner des cours pour toiser… aux p’tits jeunes de la Coopérative et… aux autres qui voulaient venir. Et quand Monsieur Timmonier a été en retraite d’instituteur et qu’il est revenu habiter Louvigné -parce que c’était un ancien tailleur de pierre, avant qu’il ne soit blessé à la guerre de 14 - … donc Papa qui était bénévole… ils ont commencé l’école qui est maintenant le CFA, oui !
Et à l’époque où il y avait les certificats d’apprentissage, les CAP… ils allaient à Rennes pour faire ça !

                                                 

                                                                  Janine

 

 

 


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